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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/217

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princesses de science

l’autre, à distance, pareils à ces fiers animaux entre qui un duel va s’engager, qui de loin se provoquent, se défient, avancent, reculent, se mesurent, s’observent, se fuient, se bravent, pendant qu’une passion sourde et l’impatience de l’assaut enflent leurs flancs.

Boussard se défendait de songer au mariage. Instinctivement, il tenait à garder, si près encore du divorce, la décence et comme le deuil d’un passé défunt. Cet homme grave aurait menti à tout son tempérament en se précipitant dans une nouvelle union au lendemain d’une rupture douloureuse. Imperturbable, il continuait sa vie scientifique. Nul ne connut l’orage qui gronda en lui pendant ces mois de lutte. D’ailleurs il n’entendait point épouser une doctoresse. Il comprenait Pautel, mais non pas Guéméné ; c’est pourquoi, devant ce mari si respectueux des droits de sa femme, il n’avait pu réprimer tout à l’heure un tressaillement léger de révolte.

Ce jour-là, on attendait Guéméné chez les Jourdeaux : il ne s’attarda pas à la Charité, sauta dans un fiacre, se fit conduire boulevard Saint-Martin. Madame Jourdeaux, on peignoir de laine, brodait auprès du lit de son mari. Leur enfant, le petit André, trop sage pour ses cinq ans, alignait des dominos sur le tapis de la chambre ; et le médecin, qui regardait cet homme guetté par la mort, dévoré par la cachexie, endolori, désespéré, entre cette belle jeune femme dévouée et ce bambin maladivement tranquille, l’envia…