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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/220

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princesses de science

des lèvres : elle lui a planté, en pleine poitrine, un de ces baisers comme son mari n’en a jamais reçu, je parie !… Et vous direz ce que vous voudrez, j’ai vu des femmes à toutes les phases de leur vie ; celle-là, je l’ai suivie depuis l’enfance ; je l’ai connue petite fille, adolescente, au début de sa vocation médicale, puis rêveuse, fiancée, amoureuse, jeune mariée… ma chère, il n’y a qu’une minute où la femme devienne vraiment, complètement, intégralement femme ; c’est celle où on lui met sous les yeux le petit qu’elle a fait. Ah ! ce que signifie alors son regard, et le rayonnement de ce visage, et l’intensité de ce premier baiser, tout ce qu’elles y mettent, tout ce qu’elles y font passer, et cette transformation subite qui les fait mères, d’un coup… moi à chaque accouchement d’une primipare, je guette cela, j’en jouis, que ce soit à l’hôpital, au lit d’une faubourienne étique, ou près d’une cérébrale comme cette petite Guéméné.

La doctoresse s’assit en riant devant Artout.

— Mais, cher maître, à qui le dites-vous ! C’est aussi ma fonction de présenter les petits tout nus à leur maman. Il y a là un joli tableau, je vous l’accorde, mais je l’ai déjà noté. Où voulez-vous en venir ?

— À vous dire vos vérités : rien ne me donne tant d’humeur que de voir une femme de votre sorte, bâtie comme vous l’êtes, taillée pour dix maternités, vigoureuse, belle, supérieure, une favorisée de l’espèce enfin, se refuser au mariage et au devoir de la famille à fonder.