Page:Yver - Princesses de Science.djvu/225

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
215
princesses de science

— Vous pensez bien, reprit-elle, que cette personnalité dont je fais montre est factice, et que les satisfactions dont je me contente sont très relatives. J’ai choisi cette vie de science, je la voulais parfaite ; j’en ai d’avance écarté les obstacles, et les plus dangereux de tous : le mariage et la famille. Mais quand je dis : « Une femme-médecin n’a pas de cœur, une femme-médecin n’a pas de sens », je parle seulement des apparences qui doivent assurer la dignité professionnelle, car derrière cette froide façade qu’il nous faut exhiber, il y a une vraie femme qui pâtit, qui aurait su aimer…

— Alors, dit Artout un peu ému, il y a eu des drames dans votre passé ?

— Non, mais des tristesses quelquefois. Parmi les hommes qui m’ont aimée, presque tous voulaient faire de moi leur femme. À cela je n’aurais jamais consenti. Les autres ne m’inspiraient ni l’attrait ni l’estime nécessaires pour que je pusse faire, honnêtement et noblement, le don de ma personne.

— Vous ne vous êtes jamais demandé quelle conduite vous auriez tenue si le dominateur, votre idéal, l’homme qu’on aime, enfin, s’était présenté ?…

— Si ! répondit-elle, avec sa loyauté presque téméraire. Et je sais que je l’aurais aimé.

— À la bonne heure ! voilà où la belle énigme que vous êtes, s’explique, se comprend. Ah ! ma petite, je vous aime mieux ainsi, capable de sacrifier, pour une tendresse, toutes vos fières théories…