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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/226

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princesses de science

— Pardon, mon cher maître, je ne me serais jamais amoindrie, abaissée jusqu’à devenir une inutile, une oisive, en quittant la carrière qui m’a faite moi, et je n’aurais pas non plus oublié mon principe de l’incompatibilité du mariage avec notre profession. Demeurant ce que je suis, la doctoresse Lancelevée, j’aurais aimé cet homme librement, sans chaîne, sans contrat.

— Oh ! oh ! dit le vieux chirurgien, comme vous y allez !…

— Je pousse mon principe jusqu’à ses dernières conséquences, tout simplement. Je vous scandalise ? Quel mal ferais-je pourtant en devenant, par amour, la maîtresse d’un honnête homme ? Je ne relève que de moi-même, je ne reconnais pas d’autres règles que celles de ma conscience ; je ne m’occupe pas des conventions. Est-ce au monde à créer une loi morale ? Ma logique et ma raison sont de taille à me guider : en qui aurais-je confiance plus qu’en moi-même ? Aux gens qui s’effaroucheraient je ne reconnais pas d’autorité pour me dicter ma conduite.

— Mais, mais, ma petite, interrompit Artout, si tous pensaient comme vous, savez-vous que nous aurions une étrange société ? chacun s’en rapportant à soi, celle-ci se permettant un amant, celle-là deux ou trois, selon la forme de sa conscience ; pas de principe universellement reconnu ; autant de morales que d’individus, celui-ci l’ayant étroite, celui-là très large ; tous infiniment respec-