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princesses de science

tables d’ailleurs, des êtres nobles, s’étant fait des règles de vie… Diable ! diable ! nos mœurs et notre civilisation inclineraient dangereusement vers celles de nos amis les bons toutous. Tenez, je suis peut-être un vieillard poncif, mais je me suis toujours défié du moi, de son exagération ; certes, j’ai raisonné, mais sans jamais faire fi du sens commun, des traditions, et toujours en corrigeant mes conceptions personnelles — il est si humain de se tromper ! — par les conceptions générales de ma race et de mon époque. Or il y a une organisation, le mariage, état conforme à l’hérédité, à notre tempérament, à l’ordre public. Je ne cesse de le prôner. Pourquoi je me permets d’en parler, moi, vieux garçon ? Oh ! c’est bien simple, je l’ai toujours désiré. Mais jusqu’à trente-cinq ans j’ai travaillé en forcené ; à cet âge-là, ma situation était faite, j’ai cherché ma compagne : on m’a offert mariage sur mariage. Mais je voulais toujours plus beau ! je rêvais du grand amour, j’attendais la femme unique, celle qui vous prend pour la vie. Vous comprenez : un brin de romantisme ayant persisté en moi, malgré toutes mes dissections, je repoussais le mariage d’argent, je repoussais le mariage de raison, j’attendais la compagne idéale, et j’ai vieilli ainsi sottement, l’attendant toujours, et ne l’ayant jamais trouvée, dévoré d’ailleurs par la clientèle. Et maintenant j’ai des regrets. Mieux vaut un amour médiocre qu’une vie solitaire ; je serais grand-père à présent, je connaîtrais bien des joies.