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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/229

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princesses de science

demande quelle est la valeur morale de cette légalisation, et je ne trouve pas odieux du tout de m’en affranchir… Tenez, il faut être de bonne foi et l’avouer, il n’y avait qu’un mariage qui eût une signification : le mariage religieux, indissoluble, sacré, qui unissait les époux par un acte mystique, irrévocable, tandis que l’acte légal les enchaîne, tout simplement. J’ai été religieuse autrefois ; j’ai connu cette conception, j’ai admis l’inviolabilité des alliances humaines, scellées par Dieu, le mystère des chairs unifiées, le sacrilège du divorce. Maintenant que j’ai repoussé les dogmes, rejeté la loi divine, il me faudrait accepter son simulacre dans une morale humaine qui ne résiste pas au raisonnement ? Non, non ! la loi religieuse s’expliquait au moins par Dieu ; je ne crois plus qu’en moi, en ma conscience : en toute loyauté, je ne vois rien de répréhensible dans le fait d’être l’amante d’un homme élu. Et je vous certifie que, si je rencontre jamais un homme qui sache se faire aimer de moi, comme je ne voudrais ni l’épouser, ni m’embarrasser d’une famille, je n’aurais aucune honte à lui appartenir en dehors de toute convention.

Artout riait, trouvait cette déclaration très crâne, admirait la bravoure et la sincérité de cette jeune femme si hardie, si inquiétante aussi. Mais il finit par lui dire qu’en se refusant à fonder un foyer, en se donnant hors des lois sociales, elle commettait, à tout le moins, ce qu’il nomma plaisamment un « péché laïc »…