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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/258

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princesses de science

— Tu ne t’es pas couché ! s’écria-t-elle.

Il la regardait froidement. Elle lui paraissait comme une étrangère. Il lui répondit :

— Je t’attendais.

Elle ne remarqua pas tout d’abord l’étrangeté de son attitude. Elle semblait en proie à une grande agitation ; une gloire l’environnait, et, avec une loquacité extraordinaire, elle raconta l’accouchement dont elle venait d’obtenir le succès. C’était dans la Cité, à dix minutes d’ici. Le médecin, un tout jeune débutant, parlait de sacrifier l’enfant pour sauver la mère, quand, Dieu merci, le père avait pensé à envoyer chercher la doctoresse…

— Et l’enfant vit ! s’écriait-elle victorieuse, un beau petit de neuf livres, et la mère se porte à merveille. Je crois que le mari m’aurait embrassée !

Exaltée par la reconnaissance de ses clients de hasard, par la fatigue nerveuse de cette nuit sans sommeil, elle rayonnait, et son orgueil éclatait enfin devant son mari. Il comprit d’un coup comme eût été mal choisi ce moment pour avouer le triste résultat de ses travaux, quand elle exultait encore de sa réussite. Elle n’était pas de ces compagnes de toutes les heures, capables de se modeler un état d’âme sur l’état d’âme de l’époux, se faisant pour lui et à son gré joyeuses ou chagrines, selon son humeur. Le moi de Thérèse, trop vigoureux, ignorait ces souplesses, ces subtils renoncements. Elle avait sa vie indépendante, et se montrait heu-