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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/259

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princesses de science

reuse ou préoccupée, sans s’inquiéter des confidences à recevoir.

Guéméné eut un mauvais rire :

— Ah ! oui, tu sauves les enfants des autres !

Les yeux gais de la jeune femme, pleins de plaisir, passèrent au sombre subitement.

— Que veux-tu dire ?

Et ils se contemplaient cruellement, sans que l’un ou l’autre eût le courage de préciser l’affreuse allusion. Mais Thérèse n’avait jamais reçu pareille offense. Elle demeurait toute pâle, les yeux humides, résistant aux larmes. Alors Fernand, qui la devinait, eut un grand frisson, et l’appela d’une voix lointaine, profonde, douloureuse :

— Thérèse ! Thérèse !

Elle lui demanda, toute raidie :

— Que me veux-tu ?

— Ah ! ce que je te veux ! fit-il avec un geste de découragement.

Il y eut entre eux un nouveau silence. Ils croisaient des regards soupçonneux. Le malentendu établi traîtreusement dans leur ménage depuis la mort de leur bébé allait dégénérer en crise, avec l’éclat d’un feu qui couva trop longtemps. Thérèse tremblait ; elle ne savait pourquoi. Elle souleva le rideau, regarda les chalands qui glissaient sous ses fenêtres, à fleur d’eau, sans bruit. Fernand s’approcha d’elle, et, tout bas :

— Aie pitié de notre bonheur. Notre bonheur sombre, Thérèse, je le sens ; nous sommes en