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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/260

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princesses de science

danger. Notre bonheur était beau, rare, précieux. Veux-tu le sauver ? Y tenais-tu ? L’as-tu connu quand nous le possédions, le pleurerais-tu si tu le perdais ? M’aimes-tu assez pour être généreuse ? Je ne veux rien te cacher, ma pauvre amie : mon cœur, sans que je le veuille, s’irrite contre toi. Je souffre depuis que nous nous aimons ; j’ai souffert par toi, en plein bonheur, toujours davantage. Et tant de douleurs se sont accumulées en moi qu’aujourd’hui elles m’étouffent ; je ne peux plus continuer cette existence, et ma terreur, c’est que je vois des liens se briser entre nous… Thérèse, un jour, déjà, j’ai réclamé le sacrifice que tu n’as pas consenti. À ce moment, nous n’étions pas encore mariés. L’heure était moins tragique. Aujourd’hui nous avons derrière nous deux années de vie commune, il y a entre nous des choses que rien ne peut effacer : nous nous sommes aimés, Thérèse. Une faillite de notre amour serait atroce. Tu comprends ce que je demande de toi ?…

— Oui, dit-elle, je comprends.

Il était haletant. Elle se roulait dans les plis du rideau comme dans un voile. Enfin elle déclara :

— J’estime que, sur un coup de tête de ta part, je n’ai pas à me sacrifier. Oh ! je pressens la vérité : tu te lasses de m’aimer. Que serait-ce si ma présence te devenait fastidieuse, et que me resterait-il alors, sans ton amour et sans mon métier ?

— Et si je voulais, moi, que tu ne fusses plus médecin ?… Ne suis-je pas le maître ?