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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/261

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princesses de science

Elle répéta plusieurs fois, suffoquée :

— Le maître ?… le maître ?…

À ce mot imprévu, elle s’était redressée. Elle s’affolait comme une lionne à qui l’on mettrait un mors. Tous ses nerfs crispés, ardente, révoltée, elle bravait son mari sans répondre.

— Ne t’offense pas, Thérèse, dit Guéméné avec plus de douceur ; par « maître », j’ai entendu tout simplement celui de nous deux chez qui la volonté a le plus de droits. Car enfin, quand deux volontés unies entrent en conflit, ne faut-il pas qu’une d’elles cède ? La nature, qui a fait l’homme le plus fort, qui met partout l’esprit de direction dans le cerveau du mâle, semble indiquer que ce n’est pas au mari à faiblir. Tu étais une femme d’exception : j’ai souvent imposé silence à ma volonté pour respecter la tienne. Je ne l’ai point fait par lâcheté, mais à force de me posséder, au contraire, et dans la mesure où j’ai cru le devoir. Aujourd’hui notre amour est en péril : je veux le préserver. Je veux que tu te soumettes. Je veux que tu restes ici, à garder ce foyer qui menace ruine ; j’ai le droit de l’ordonner ; j’en ai l’obligation même.

— Mais enfin, que se passe-t-il donc ? s’écria-t-elle, pourquoi guetter mon retour, m’assaillir ainsi qu’une proie, profiter de ma fatigue, de mon épuisement, pour mieux me vaincre ?

— Thérèse, confessa-t-il à voix très basse, avec une espèce de honte, nous nous détachons l’un de l’autre…