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princesses de science

Lorsqu’ils se retrouvèrent face à face, après les tristes aveux qu’ils s’étaient faits, un trouble les saisit, mais ils ne parlèrent pas de l’acte nécessaire. Thérèse avait demandé quinze jours de méditation avant de se résoudre : il lui accorda ce délai sans rien laisser paraître de son inquiétude. D’ailleurs, la clientèle le reprit. Il s’essayait à mieux goûter son métier, à y chercher un apaisement. Il lui vint un souci d’être meilleur, d’apporter à ses malades de la bonté, de la compassion. Mais une lassitude immense brisait tous ses élans. Il pensait :

« Jamais je ne me relèverai de mon échec ! »

Ses journées lui semblaient interminables. Il s’aperçut enfin que le pauvre Jourdeaux lui manquait. L’habitude contractée depuis dix-huit mois de passer quotidiennement boulevard Saint-Martin laissait dans ses occupations, maintenant qu’il n’y retournait plus, un vide étrange. Quand arrivaient cinq heures, il lui semblait que la douce jeune femme en peignoir de laine l’attendait toujours au chevet du malade ; et c’était comme si, désormais, cette heure eût été de trop dans son après-midi.

Ses travaux en cours, au laboratoire de l’École, demeurèrent en l’état ; on ne l’y revit plus ; la paraffine fondait dans les étuves ; les cobayes néoplasiques moururent ; le mystérieux microbe sommeillait dans des flacons, au sein d’un bouillon jaune. Guéméné chassait le souvenir de tant d’espoirs déçus. Sa réputation néanmoins s’était étendue. On lui amena plusieurs cancéreux, en