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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/269

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princesses de science

le priant d’appliquer le traitement de son sérum. Il voulut refuser, déclara ne posséder encore aucune certitude. Mais ce jeune médecin inspirait une extraordinaire sympathie. On le supplia davantage. Pour contenter les malades, il tourna la difficulté en leur injectant en trois fois quelques gouttes d’Aqua fontis, se réservant de refuser plus tard les honoraires. Le plus étonnant fut qu’il y eut amélioration dans leur état. Guéméné soupira :

— Voilà bien la science !

Il observait sa femme, cherchait à deviner ses pensées : elle demeurait illisible. Un chagrin noir l’envahit. Si elle l’avait assez aimé pour lui sacrifier sa profession, sa générosité ne se serait-elle pas déterminée dès le premier jour ? Une grande froideur régnait entre eux ; ils évitaient le tête-à-tête. La nuit, elle s’endormait à ses côtés en soupirant. Quand il donnait sa consultation en même temps qu’elle, il se redressait parfois pour écouter les échos de sa voix qui lui arrivaient, assourdis, de la pièce voisine : alors elle semblait animée, brillante, dominatrice ; on la sentait s’épanouir dans son atmosphère véritable. Il devint de nouveau scrupuleux, craignit d’avoir outrepassé, peut-être, ses droits de mari, d’en avoir au moins abusé en exigeant un pareil renoncement. Un dérivatif efficace l’eût aidé à se résigner ; mais la médecine ne l’intéressait plus ; les recherches sérothérapiques lui paraissaient vaines. Il pensait à son bébé qui aurait eu un an à cette époque. Il soupirait :