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princesses de science

La jeune fille était très pâle.

— Non, reprit-elle avec douceur ; vous m’aimez égoïstement, comme font les hommes. Vous me demandez très simplement de me sacrifier à vous, d’immoler à votre amour tout ce que j’aime et tout ce que je suis.

Étendant la main, elle ferma le robinet du gaz. Le bec du chalumeau s’éteignit, ce qui fit un grand silence. Le soleil frappait les pièces anatomiques : un embryon, de la grosseur d’une fève, s’illumina dans l’alcool où il flottait. Thérèse reprit d’une voix attristée, et qui se faisait plus douce :

— Je ne le pourrai jamais…

Guéméné, sans répondre, eut un geste désespéré. Elle dit encore :

— Il faudra prendre avec moi mon métier… ou m’oublier.

— Je tâcherai de vous oublier, alors ! dit-il en se redressant péniblement, comme sous le poids d’un découragement infini.

Cette réponse étonna l’étudiante et l’offensa secrètement. La fille du grand Herlinge, qui ne connaissait guère encore de la vie qu’une longue suite de succès, n’entendait pas être aimée à demi. Cette belle passion poétique et romanesque, dont elle était l’objet, l’avait grisée d’abord comme un triomphe inattendu et nouveau. Il était d’ailleurs logique que cette fille jeune, vigoureuse et fière, goûtât un amour où son orgueil n’avait rien à perdre. Mais quand elle vit le don de sa personne,