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princesses de science

Thérèse, un peu suffoquée, demanda une explication : une fois de plus, il dégonfla son cœur, redit ses peines passées, montra quelle duperie avait été son rôle d’époux. Elle n’avait jamais cherché dans le mariage qu’une diversion aux fatigues d’un métier qui, seul, était son but, sa raison d’être. Et il avait beau, par réserve naturelle, par décence, retenir sa violence, ménager ses termes, il la blessa cruellement.

Alors elle prit l’offensive à son tour :

— J’ai sacrifié, pour une maternité que tu désirais, une thèse qui m’eût classée au même rang que madame Lancelevée. J’ai renoncé, pour être plus souvent chez nous, à suivre les cliniques de Boussard, les opérations d’Artout. J’aurais désiré faire de la médecine aliéniste dans l’établissement de Janicot : je ne t’en ai pas même parlé, car Passy, c’était trop loin et tu m’aurais blâmée. Est-ce que je n’aurais pas dû, cependant, m’adonner aussi à la bactériologie ? À défaut d’un laboratoire chez moi, — que j’aurais eu cependant, sans mon mariage, — n’aurais-je pu travailler à l’École, devenir quelqu’un, faire quelque chose ?… Si je suis demeurée une doctoresse modeste et ignorée, réduite à me contenter de la clientèle, ce fut la rançon de mon amour pour toi, car seule, sans ma maison à tenir, sans le souci de ton bien-être, sans cette grossesse, sans tes exigences enfin, je compterais un peu aujourd’hui dans le monde médical.

— Je suis de trop dans ta vie, Thérèse ; notre