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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/321

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princesses de science

— Eh bien… eh bien… comment allez-vous ?

Et elle le regardait douloureusement, ne l’ayant pas revu depuis ce jour où là-bas, en Suisse, le petit André l’avait laissé pleurant dans le verger de l’hôtel. Pendant ces six dernières semaines, sa tendre pitié s’était alimentée, s’était repue de ce souvenir triste qui avait tenu sa sensibilité dans une émotion constante. Son imagination oisive s’occupait avec une compassion délicieuse de ce chagrin secret, le commentait, le devinait, l’amplifiait, lui inventait des causes. Elle en portait en elle comme un deuil mystique, se refusant aux pensées gaies, à des réminiscences de musique, à toute distraction futile, par sympathie pour ce que souffrait l’ami lointain qu’il ne lui était pas donné de consoler ; mais, aujourd’hui qu’enfin il revenait, elle ne pouvait plus que presser doucement sa main, sans rien lui dire.

Alors, comme si leur intimité eût grandi tout à coup depuis le séjour commun à l’hôtel, inconsciemment à l’aise près de cette amie, Guéméné commença :

— J’ose à peine le dire… j’ai faim… je suis venu chercher un des goûters exquis de cet été…

Il savait la combler de joie en parlant ainsi. Il l’avait comprise, par une intuition d’homme qui a pâti dans sa sensibilité. Il lui connaissait les tendres besoins du dévouement féminin, cette soif de répandre du bien-être autour d’elles qu’ont certaines femmes. Elle se dépensait avec l’affectueuse