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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/326

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princesses de science

avait épousée ne savait pas lui verser la douceur réconfortante des vraies amantes, qu’il souffrait dans son ménage, comme elle s’en doutait depuis longtemps. Et, quand il la quitta, elle lui dit en lui étreignant les mains :

— Vous méritiez d’être si heureux !

Dès lors Guéméné fit de tous les actes de Thérèse, à son insu, presque sans y penser, l’impitoyable critique. Il avait contre elle une irritation nerveuse. Il l’étudiait, l’épiait, comme s’il eût été bien aise de la trouver en faute. Elle rédigea un rapport sur la tumeur insidieuse dont elle avait fait, à Beaujon, l’examen histologique, et elle envoya cette étude au journal le Progrès médical qui l’inséra. Fernand crut voir dans ce geste un instinct de rivalité chez sa femme, comme si Thérèse avait tenu à lutter avec lui de notoriété. Elle s’exténuait à mener de front sa clientèle et ses cliniques : au lieu d’admirer cette superbe énergie, il y chercha d’égoïstes efforts de gloriole. Jamais il n’avait à ce point senti le vide et l’inconfortable de sa maison sans direction. Il gagnait largement sa vie ; les honoraires de Thérèse affluaient. Leurs revenus, ceux de la jeune femme notamment, leur eussent déjà donné l’aisance. Mais un si effroyable coulage régnait dans cet intérieur, que tout s’anéantissait dans le gouffre. Quand vint la fin de l’année et que les relevés des fournisseurs arrivèrent, les Guéméné s’aperçurent qu’ils ne possédaient pas les sommes