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princesses de science

Il poursuivit sans plus de précautions :

— Depuis huit mois j’ai ressassé mon amour dans ma solitude, et je m’enfermais chez moi pour m’en nourrir secrètement, comme une bête qui se terre pour se repaître d’une proie précieuse. Endormi, je vous ai vue en rêve ; éveillé, je vous voyais mieux encore ; vous m’halluciniez sans cesse ; je n’ai pensé qu’à vous, je n’ai travaillé que pour vous, j’ai peuplé ma maison de votre vision mille fois répétée ; j’ai souffert, j’ai pleuré, j’ai tendu les bras vers vous, jour et nuit, passionnément. Et voici qu’aujourd’hui je vous vois, je vous adore, j’ai le droit de vous étreindre… et non, non, non ! ce sera non !

Pâle, frémissant, les poings serrés, il affirmait en coups nerveux de son talon sur le plancher, son infrangible volonté, l’indomptabilité morne de sa race, pendant que, debout devant lui, Thérèse, blême et accablée, réagissait aussi contre l’élan de pitié féminine qui, dans ce trouble, l’eût jetée avec des mots de douceur, irrévocablement, à cet homme. Tous deux formaient un couple harmonieux et beau ; la nature, leur jeunesse, insidieusement, les sollicitaient de s’unir ; mais entre eux l’orgueil s’insinuait en invincibles obstacles.

Thérèse tendit la main :

— Adieu, Guéméné… mais c’est vous qui l’aurez voulu…

Il s’écria :

— Ah ! remerciez-moi d’avoir la force de m’en