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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/34

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princesses de science

aller ! Je sais quelles misères nous attendaient dans cette union équivoque où vous n’auriez été qu’une demi-épouse, où ma jalousie vous eût déchirée, où, détournée ailleurs, vous auriez laissé mes tendresses inassouvies. Je souffre bien, mais j’aime mieux pleurer mon amour intact qu’empoisonné.

— Vous ne pouvez pas comprendre, Guéméné ; moi-même je n’avais pas compris, avant ce jour, ce que ce métier a pris de moi. Ne m’en veuillez pas, je ne puis pas y renoncer, je ne puis pas ! Qu’est-ce que la banalité de l’existence à laquelle vous me conviez, auprès de ces luttes silencieuses, lentes et passionnées contre la maladie, ces plongées incessantes dans le mystère de la vie, ces spectacles de l’inépuisable physiologie ! Nul ne saura jamais ce que j’éprouve, les jours d’entrée à l’hôpital, quand je trouve dans ma salle une malade nouvelle et que je palpe le problème vivant qu’est ce corps, avec son mal ignoré qu’il faut déchiffrer, déterminer, maîtriser… Oh ! Guéméné, Guéméné, vous ne les connaissez donc pas, vous, les transes grisantes du diagnostic, et la volupté de l’auscultation et le triomphe des prévisions confirmées ?… Et quelle puissance nous détenons ! Lire ainsi dans l’invisible, dans l’obscurité des organes, lire moralement, par déductions, et voir dans le corps vivant aussi bien qu’à l’autopsie… Et l’autopsie ! quelle merveille, avec ses révélations qui viennent sanctionner tout l’échafaudage des hypothèses émises sur un cas mystérieux ! Souvent