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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/330

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princesses de science

— Vous encouragez mon œuvre, vous, lui disait-il ; ma femme, au contraire, semble prendre à tâche de ruiner toute mon énergie.

— Elle-même travaille trop, expliquait madame Jourdeaux. Il est naturel à ceux qui ont de graves soucis de se désintéresser des idées chères aux autres.

— Eh ! c’est bien ce que je lui reproche ! disait en soupirant le pauvre homme.

Il s’était fait à la main droite une piqûre anatomique et s’en alarma pendant quelques jours. Un soir, il pria madame Jourdeaux de renouveler le pansement. Elle pâlit, trembla un peu, se raidit pour entourer le doigt blessé d’une longue bandelette. Elle était lente, mais adroite : elle parut prolonger l’opération à force de soins, de délicatesse. Quand ce fut fini, elle leva sur son cher docteur ses beaux yeux ardents et doux. Ils sentaient leur amitié se faire plus étroite, plus suave.

Parfois Guéméné s’abandonnait à des excès de tristesse. Il parlait de son grand amour que Thérèse avait méconnu. Alors madame Jourdeaux lui prenait la main, le plaignait tendrement. Puis elle cherchait à l’électriser par l’appât de la gloire prochaine. Il lui semblait, disait-elle, abandonner un peu son œuvre, travailler moins, négliger le laboratoire. Il lui expliquait que ces expériences sur de petits animaux ne concluaient à rien, qu’il lui faudrait guérir un cancéreux pour pouvoir proclamer sa méthode à la face du monde. Elle demeurait songeuse.