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princesses de science

vie la plus digne, la plus méritoire. Il n’est personne qui ne vous admire…

— Il vaudrait mieux, répondit la pauvre doctoresse, qu’on m’admirât moins et que j’eusse gardé mon bonheur conjugal.

À ce moment, il se fit dans la salle à manger un bruit de voix hautes et furieuses. C’était la servante qui gourmandait son maître, et une dispute s’ensuivait entre eux. Madame Adeline rougit. Elle s’excusa près de Thérèse et disparut.

La jeune femme, inquiète et émue, resta seule ; madame Adeline venait de la bouleverser. Pour achever d’écrire l’ordonnance, sa main trembla. Elle pensait à son bébé. Il aurait deux ans maintenant. Elle essayait de l’imaginer tel qu’il eût été, dans une robe à gros plis, formant de mignonnes phrases, trottinant à pas menus par toute la maison. Et sa maternité défunte ressuscitait en désirs imprécis, en tristesses, en besoins vagues. Elle pensait aussi à son mari qui devenait si froid pour elle, si lointain, si étranger ! Et cet abandon subtil, dont elle avait la perception nette, lui causa soudain une angoisse.

Elle signa l’ordonnance :

Docteur Thérèse Guéméné.

Elle se redressait, très lasse, très rêveuse, quand Lucie Adeline entra en coup de vent :

— L’eau est chaude pour le bain de mon petit frère. Après, on lui fera des pansements. Je vous regarderai, n’est-ce pas ? C’est si joli, si doux,