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princesses de science

reculèrent ensemble vers l’ombre plus épaisse du fond de la salle à manger. Ils demeurèrent debout. Ils pleuraient. Thérèse reprit :

— Tu n’as pas seul tous les torts. Moi aussi, je me sens en faute. Tu m’avais annoncé le naufrage de ton amour, je t’entends encore me supplier d’abandonner la médecine. Sans doute, déjà tu te sentais las de moi. J’ai manqué de force… Ta prière m’avait émue pourtant. Tu semblais souffrir ; tu m’as bouleversée ce jour-là. Mais je n’ai pas pu. As-tu voulu te venger, dis, Fernand ?

— Non…

Et il pensait :

« Elle me revient aujourd’hui qu’elle me voit lui échapper. Mais il est trop tard. »

Et, se remémorant toutes les misères de sa vie conjugale, la ruine successive de chacun de ses rêves, ce qu’il avait enduré ici même, lors de ses repas solitaires, dans cette maison que la gardienne désignée semblait fuir, il ajouta tout haut :

— J’ai tant souffert par toi !

— Mon ami, dit-elle tristement, je le comprends aujourd’hui parce que je souffre moi-même. Mais jusqu’ici je n’avais pas expérimenté la souffrance, et j’ai méconnu tes chagrins. Veux-tu me pardonner ?

— Ma pauvre Thérèse, je ne t’en veux pas ! Sache bien que maintenant encore, malgré le trouble, la crise que je traverse, où je ne vois plus clair en moi-même, je me sens l’être qui t’aime le plus au monde.