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princesses de science

sans cesse ; tous ses efforts se concentraient pour le deviner. À qui pensait-il dans ces interminables silences ? Quel nom était derrière ce front illisible, quelle image au fond de ces yeux qui la fuyaient ?… D’où revenait-il, quand il rentrait le soir, rêveur et triste, très absent, l’embrassant avec une sorte de commisération offensante ?… Et elle se taisait toujours, occupait ses journées un peu désœuvrées à préparer les adresses de ses circulaires.

Quand elles lui arrivèrent de l’imprimerie, sentant l’encre fraîche, et qu’elle vit par centaines ces petites feuilles volantes, leur rédaction concise qui rendait publique et irrévocable sa décision, Thérèse eut un sursaut qui la réveilla douloureusement, comme d’un long sommeil :

Le Docteur Thérèse Guéméné a l’honneur d’informer M… que, pour des raisons de santé, elle cesse d’exercer la médecine.

Elle prie M… d’agréer, avec ses regrets, etc…

— Comment ai-je pu ? murmura-t-elle. Est-ce bien vrai ?

Puis l’idée que Fernand s’attendrirait, comprendrait enfin son amour, pleurerait la trahison dont il était coupable, lui reviendrait dans un grand élan de passion, lui donna du courage.

Le même jour, Thérèse alla voir sa dernière malade. C’était une jeune femme atteinte d’une salpingite, et si affaiblie que peu d’espoir restait de la sauver. Elle s’était prise pour celle qui la soignait