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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/389

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princesses de science

Mais elle se sentait forte, de la force morne que donne le chagrin.

L’Hôtel-Dieu était immuable. Dans le corridor d’accès, les étudiants au pas lourd arrivaient en bandes ; des infirmiers vêtus de bleu s’affairaient ; le portier vérifiait les entrées. Thérèse passa, aperçut les deux cours intérieures superposées en terrasses, avec leurs galeries, leurs arcades. Aux malades anciens avaient succédé d’autres malades couchés dans les mêmes lits, avec des maladies pareilles, des plaintes pareilles, comme identiques éternellement. Et rien n’excitait chez Thérèse l’appétit violent de son métier comme ce musée de la pathologie qu’est l’hôpital. Elle aurait voulu s’arrêter à chaque salle, à chaque cas, s’instruire encore, pénétrer tant de mystères qui déroutent toujours la science. Quand elle arriva dans le service de son père, à la salle des femmes, au second étage, l’interne, un grand garçon blond, lui demanda ce qu’elle désirait.

Mais elle, songeuse, sans répondre, regardait derrière lui, par la porte entr’ouverte, le petit laboratoire où, tant de mois, elle avait préparé sa thèse. Elle reconnaissait la forme des flacons, des bocaux, le microscope, jusqu’à un porte-plume bizarre laissé là par un interne maniaque, et dont elle se servait toujours. Elle finit par dire :

— Le docteur Herlinge n’est-il pas arrivé ?

— Ah ! mademoiselle, fit le jeune homme, je ne sais pas à quelle heure le patron montera chez nous