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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/50

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princesses de science

perception nette de ce qu’endurait son malheureux parent.

Les yeux secs, le corps droit, comme insensible, les deux mains à l’appui du siège, il regardait sa femme morte. Il devait être là depuis longtemps, depuis la veille sans doute, depuis l’heure du dernier soupir, et il n’avait pas détaché les yeux du cadavre. Son souffle paraissait seulement un peu plus fort que de coutume.

Le jeune homme lui posa doucement la main sur le bras. Alors Eugène Guéméné tressaillit et reconnut son neveu ; sans desserrer les lèvres, il fit de la tête un signe affectueux et reprit sa contemplation.

— Mon pauvre oncle ! mon pauvre oncle ! balbutia Fernand.

Et, fasciné par la morte, lui aussi ne vit bientôt plus qu’elle. Ses longs cheveux blanchissants, que le mari sans doute avait maladroitement nattés, retombaient d’un côté, en masse, sur la tempe froide et polie comme un marbre. Dans la face ensommeillée, un crayon noir semblait avoir dessiné les traits, d’un tracé large et brutal. Les narines étaient béantes. La beauté de ce visage mourait à son tour, lentement, comme un portrait qui s’efface.

« Qu’êtes-vous devenue, belle tantine ? pensait le jeune homme angoissé, où êtes-vous allée ?… Qu’y a-t-il de commun entre votre personne charmante, aux séductions incomparables, et cette triste forme que je vois ? ».