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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/51

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princesses de science

Et il ne se lassait pas de regarder cette rigide statue qu’avaient animée tant de passion, tant de gaieté, tant d’esprit, qui emporterait dans le cercueil tant de caresses et de baisers, et le secret de l’ineffable extase dont, douze années durant, elle avait enivré un homme. Mais Fernand, comme ceux que le deuil n’atteint pas dans leurs forces vives, acceptait déjà la mort, et ne voyait plus dans ce lit qu’une dépouille. Le pauvre amant, lui, s’obstinait à y retrouver sa compagne et il demeurait là, pour se repaître de cette vue jusqu’au bout.

Hypnotisé, ardent, mystérieux, il dévorait encore du regard ce qui bientôt lui serait ôté pour toujours. C’était un homme élégant et fin ; des cheveux gris, taillés en brosse, découvraient son front large ; ses moustaches brunes s’argentaient vers les pointes. Il semblait que le souverain amour qui avait rempli sa vie lui eût laissé un air de douceur grave et rêveuse, la marque d’une intense vie intérieure.

Son silence, pourtant, inquiéta son neveu ; les larmes eussent été moins impressionnantes que ce coma. Fernand voulut les provoquer.

— Vous souffrez, fit-il, avec la timidité délicate des jeunes hommes qui ne savent point par quels mots exprimer ce que la moins expérimentée des femmes saurait dire aisément, votre chagrin n’a pas de nom et vous ne pouvez pleurer.

— Je crois que je ne souffre pas, murmura le