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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/54

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princesses de science

Dans le vestibule, où régnait une pénombre, la vieille femme de chambre, qui l’avait connu enfant, l’arrêta au passage :

— Ah ! monsieur Fernand ! quelle perte ! quelle perte !

Les larmes coulaient dans les rides de son visage fripé. Elle portait la coiffe de Quimper, semblable à un hennin tronqué, avec deux brides de batiste flottant sur le dos. Les mille fronces de sa jupe faisaient un bourrelet autour de son corps plat, aux hanches maigres. Elle tenait à la main, les goulots passés entre les cinq doigts, une série de fioles pharmaceutiques.

— C’est le malheureux monsieur qui me fait peur maintenant ! Aussi je jette aux ordures toutes ces drogues qui sont peut-être poison. Bien sûr que, lorsqu’on enlèvera madame, il va devenir fou. Sainte Vierge ! il est capable de se détruire, monsieur Fernand ! Le bon Dieu aurait dû avoir la pitié de les prendre tous les deux, plutôt que de séparer des personnes qui s’aimaient tant. Des ménages pareils, on n’en voit pas tous les jours. Une servante sait bien des choses, comme de juste… Le lendemain des noces, c’est moi qui ai porté à Monsieur et à Madame le chocolat dans leur lit. Ah ! qu’ils étaient beaux, tous les deux ! Moi, je n’osais pas regarder ma jeune dame : je pose le plateau du déjeuner sur la table et je veux me sauver, mais elle me rappelle pour relever les rideaux, et la voilà qui fait avec moi un brin de cau-