Aller au contenu

Page:Yver - Princesses de Science.djvu/61

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
51
princesses de science

puissant foyer. Mais Thérèse qui, dans ce long effacement d’une vie de femme, n’avait vu qu’un amoindrissement, et qui, par ailleurs, s’estimait fort au-dessus de madame Herlinge, se souciait peu d’imiter son abnégation.

Elle avait senti de bonne heure son intelligence. Vers quinze ans, elle s’intéressait si fort aux discussions de science ou de philosophie qui, chez ses parents, se livraient à table, qu’elle en oubliait parfois de goûter aux mets servis. L’ascendant et le prestige qu’exerçaient sur elle les convives, par leur âge ou leur valeur, l’empêchaient seuls d’y prendre la parole ou d’y glisser son mot. Elle se tenait à sa place, sage, jolie et silencieuse, et ces messieurs s’apercevaient à peine de sa présence, ce dont elle souffrait secrètement. Peu s’en fallut que la fille alors, comme la mère, ne fût noyée dans la personnalité débordante du grand homme. Mais un moi vigoureux s’affirmait dans Thérèse, et lutta pour ne se point laisser submerger. Son jeune esprit méconnu souffrit longtemps, et ce fut de son amour-propre blessé que naquit sa vocation : elle rêva de devenir une autre femme que madame Herlinge. Elle l’était déjà, elle le savait, mais elle envia le titre ou le diplôme qui devait en convaincre les autres. Quand elle avoua son désir de préparer le baccalauréat, son père, trouvant charmant que sa fille fût bachelière, l’encouragea. Dès lors elle commença d’exciter, dans le cénacle paternel, un peu de cette attention et de cette curiosité que