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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/76

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princesses de science

— De nos jours, dit-il fort sérieux, caressant de ses doigts gantés sa belle barbe fine, de nos jours, qui n’a pas le foie atteint ? Il n’y aura jamais assez d’hygiène dans le public ; nous ne cessons de le répéter.

On vit Morner hausser les épaules. Les joues creuses, les pommettes saillantes hors du cadre des favoris châtains, l’air acariâtre, il regardait la Seine, qu’on passait à ce moment. Le corbillard, avec ses cinq panaches, oscillait déjà là-bas, sur le quai de la rive droite. Le cortège s’acheminait vers le Père-Lachaise, où la morte, Parisienne de naissance, devait être inhumée dans un caveau de famille.

Morner, impatient, tira sa montre :

— Ils vont comme des tortues… Enfin, j’ai le temps !…

— Alors vous exercez là-haut, à Ménilmontant ? demanda curieusement la doctoresse.

— Oui, j’ai loué deux pièces près du Père-Lachaise : un cabinet et un salon. Et j’y donne, tous les jours, de midi à trois heures, des consultations à ces idiots d’alcooliques… Oh ! ce n’est pas que ce soit malin : ils gobent tout… Et puis, nous sommes loin de la clientèle bourgeoise qui exigerait presque votre état civil, la production de votre livret de mariage, et pour le moins trois enfants, afin de constater votre respectabilité. Non, ils ne font pas tant les difficiles. Mais ce métier ! quarante sous la consultation ! Et ces sales ouvriers, ces femmes en che-