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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/79

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princesses de science

demanda Thérèse, dont la voix s’altérait d’indignation hautaine.

— Oh ! la physiologie, elle commence d’exister ; mais à quoi nous avance-t-elle ? Savons-nous refaire du sang dans le cas d’une anémie pernicieuse ? Et devant une septicémie, que fait le médecin qui voit le sang circuler dans l’organisme, pareil à un poison, sinon d’attendre que ce sang, par ses propres énergies, se soit renouvelé ? Et quand une plaie se cicatrise, pouvez-vous y faire naître le demi-quart d’une cellule ? Si un malade a un bacille dans la peau, vous savez bien qu’il le garde : tant pis si sa machine n’en triomphe pas, car ce n’est pas le médecin qui l’en débarrassera !…

— Ah ! dit Jeanne Adeline, en proie à une pensée profonde, ça serait trop facile, si ça s’écrasait comme un pou…

Incommodée par la chaleur, elle glissait son mouchoir roulé, imbibé d’antiseptiques, sous les plis gras de son menton. Tous, dans la voiture, forçaient la voix pour dominer le fracas des vitres agitées. La doctoresse reprit, de son contralto masculin :

— Morner n’a pas tout à fait tort ; plus on va dans le métier, plus on voit qu’on ne peut pas grand’chose. Et puis, qui croire parmi les maîtres ? Boussard dit blanc, Artout dit noir. Tous deux ont l’air d’avoir raison, et, en attendant, le malade nous glisse entre les mains, comme cette pauvre femme que nous conduisons au cimetière… Et vrai ! voir mourir des créatures de cette sorte, se