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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/83

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princesses de science

avaient jauni. L’avenue s’élevait, de terrasse en terrasse, jusqu’à la chapelle dont le fronton grec se profilait sur le bleu léger du ciel. À droite et à gauche, mornes façades d’une rue ensommeillée, s’étageaient, blancs et divers, les monuments des morts illustres. Et, parmi cette froide bordure de marbres et de statues, un arbuste frêle balançait doucement sa ramure pleureuse aux feuilles pâles : c’était le saule de Musset, — toute la poésie d’une époque, le romantisme même, une élégie, une gloire se survivant…

Thérèse avait le cœur serré de mélancolie ; la conversation qu’elle venait d’entendre sans vouloir en faire cas agitait maintenant en elle des doutes, des incertitudes. D’irréfutables vérités y avaient été dites sur l’impuissance médicale, et Jeanne Adeline l’avait plus troublée encore par la sincérité de ses doléances… Ah ! comme celle-là soupirait douloureusement vers le foyer tranquille et paisible de la mère de famille, de l’épouse !

Et voici que, tout autour de Thérèse, conspiraient des évocations d’amour intime, puissant et absolu. D’abord, ce veuf dont l’attitude hypnotisait tous les regards par son expression de douleur, attirait ses yeux aussi, et sa pensée se fixait sur lui tandis que, d’un pas lent, comme en un cauchemar, il suivait le funèbre véhicule scintillant d’argent qui lui emportait sa compagne. Là-bas, entre deux niveaux des terrasses, apparaissait, dans son architecture terrible et simple, le Mo-