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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/84

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princesses de science

nument aux Morts, de Bartholomé. Une porte y était figurée sur les ténèbres de l’au-delà, et un couple nu, déjà sorti de la vie, la franchissait enlacé dans une noble et amoureuse union. Les deux beaux corps de pierre polie se détachaient sur l’ombre où ils entraient. De loin, du bas de l’avenue, de la grille même, on les apercevait déjà, précis et purs, glorifiant superbement, dans un geste unique, l’Amour et la Mort.

Et Thérèse voyait encore Guéméné, s’en allant près du veuf, veuf lui aussi d’un rêve qu’elle n’avait pas voulu réaliser, pleurant peut-être la compagne qu’elle n’avait pas voulu devenir. Alors, sa tristesse se fit étrangement tendre et douce.

On inhuma madame Guéméné, selon ses volontés dernières, dans un vieux caveau situé dans le plus ancien quartier du cimetière et où dormaient tous ses parents. C’était un coin plein d’ombre et de mystère. Des cyprès gigantesques y avaient poussé sans ordre, comme au hasard, et un lierre épais, somptueux, envahissant, s’y déroulait magnifique, nivelant les pierres tumulaires, grimpant aux troncs, aux colonnes grecques des tombeaux en ruine, s’accrochant en draperies funéraires aux urnes verdies de mousse. Puis les hêtres énormes, plantés au grand siècle dans ce parc des Jésuites, formaient un dais de feuillage, sous lequel régnait une lumière verte. Et l’on n’entendait rien, que le piétinement de la foule, et le pas alourdi des hommes lugubres, apportant pesamment leur incommode fardeau.