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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/98

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princesses de science

Artout reprit :

— Celui-là est sincère ; sa faiblesse recherche votre force.

L’automobile eut une palpitation de forge, étouffée, réprimée, puis ralentit doucement jusqu’à ce que sa vitesse s’éteignit et mourût dans un arrêt à peine perceptible. Madame Lancelevée était chez elle.

— Je suis libre, fit-elle, je suis heureuse.

Déjà la porte de son petit hôtel s’ouvrait : la femme de chambre, une jolie Anglaise au tablier brodé, se tenait sur le seuil, souriante ; une clarté tiède régnait dans le vestibule ; au rez-de-chaussée, derrière les flots de guipure des rideaux transparents, on voyait, baigné d’une lumière rose, le confort de la salle à manger où l’attendait son repas. Elle le prendrait solitaire et silencieuse, mais dans une paix parfaite. Sa sagesse avait été d’éliminer de ses ambitions la multiplicité des bonheurs et d’en convoiter un seul : celui d’être une femme d’exception, docte et célèbre. Aujourd’hui, célèbre et docte, très appelée pour la médecine d’enfants dans le monde politique, avec son diagnostic lent, mais sûr, qui la faisait traiter en égale par ses grands confrères masculins, elle avait réalisé son rêve unique, et elle vivait égoïste, satisfaite et sans regrets.

Et, comme l’auto rebroussait chemin pour le ramener chez lui, Artout pensait :

« Pourquoi pas des femmes comme celle-là ?