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Théorie des fonctions analytiques/Partie I/Chapitre 09

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Gauthier-Villars (Œuvres de Lagrange. Tome IXp. 109-117).
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Première partie


CHAPITRE IX.

Des valeurs singulières qui ne sont pas comprises dans les équations primitives complètes. Des équations primitives singulières.

58. La méthode que nous venons d’exposer pour trouver l’équation primitive par le moyen des séries est fondée sur la supposition que toute fonction de deux variables puisse toujours, par la substitution de à la place de se développer en une série ascendante suivant les puissances entières de mais, comme cette série résulte du développement d’une fonction de en faisant et donnant à une valeur particulière il s’ensuit de la théorie que nous avons donnée dans le Chapitre V que ce développement pourrait contenir des puissances fractionnaires ou négatives de auquel cas la série dont il s’agit contiendrait nécessairement de pareilles puissances de Alors la série qui doit représenter la valeur de pourra ne plus avoir la même forme ; mais, comme et qu’on suppose et le premier terme sera toujours et le second pourra encore être supposé de la forme car, s’il était de la forme étant un exposant quelconque, il n’y aurait qu’à substituer à la place de et supposer que devienne ce qui est indifférent, puisqu’on regarde comme une constante arbitraire ; mais les termes suivants pourront être de la forme devra être par hypothèse.

Substituant donc, dans pour la série

et développant suivant les puissances ascendantes de on aura une série de cette forme

étant différent de l’unité, et étant des fonctions données de Donc l’équation

deviendra, par ces substitutions,

laquelle devra se vérifier indépendamment de la valeur de

Donc, si on pourra faire et ensuite Ainsi, on aura d’abord égal à une constante, ou plus simplement ensuite, comme ne dépend que de et de on trouvera la valeur de en prenant la fonction primitive de et ainsi de suite.

59. Mais si alors il sera impossible de satisfaire à l’équation de manière que demeure une constante arbitraire, et l’on devra en conclure que la valeur particulière ne pouvant pas être complétée ainsi, ne saurait être contenue dans l’expression générale qui représente la valeur complète de

Maintenant il est visible que, quel que puisse être le premier terme du développement de par la substitution, de à la place de il ne peut venir que des termes de sorte qu’il sera le même que si l’on substituait simplement à la place de Donc le développementde par la substitution de à la place de sera donc, puisque la série résultante de ce développement contient un terme affecté de est et il s’ensuit de la théorie donnée au no 29 que la fonction prime devra devenir infinie lorsque

De là on tire cette conclusion que la valeur particulière ne pourra pas être contenue dans l’expression complète de si cette valeur rend la fonction infinie, c’est-à-dire la fonction nulle.

Réciproquement donc, l’équation donnera toutes les valeurs de qui, pouvant satisfaire à l’équation comme valeurs particulières, ne seront pas renfermées dans la valeur complète. On pourra appeler ces valeurs valeurs singulières, pour les distinguer des autres, et, en général, on pourra appeler équation primitive singulière toute équation en et qui satisfera à une équation du premier ordre entre et ou à une équation d’un ordre supérieur, et qui ne sera pas comprise dans l’équation primitive complète, c’est-à-dire qui ne sera pas un cas particulier de cette équation.

60. Nous venons de voir qu’il y a une espèce d’équations qui peuvent satisfaire à des équations d’un ordre supérieur et qui ne satisfont pas aux équations d’où celles-ci peuvent être dérivées, parce qu’elles ne sont pas renfermées dans les équations complètes d’un ordre inférieur à celles-ci. Ces équations ne forment pas une exception à la théorie générale exposée plus haut (no 46), mais elles résultent d’une considération particulière dans la manière dont les équations d’un ordre supérieur sont dérivées par l’élimination des constantes. En effet, on y a vu que les deux équations et donnent, par l’élimination d’une constante une équation dérivée du premier ordre entre et dont sera l’équation primitive.

Or il est évident que le résultat de cette élimination serait le même si la quantité au lieu d’être constante, était une fonction quelconque de mais, dans ce cas, la fonction prime de ne serait plus simplement elle contiendrait de plus une partie provenant de la variation de et, si l’on désigne par la fonction prime de prise relativement à la variable on aura pour la partie dont il s’agit, étant la fonction prime de regardé comme fonction de

Ainsi, dans le cas où serait fonction de l’équation prime de serait

donc, pour qu’elle se réduise à comme dans le cas de constante, il faudra que l’on ait équation qui servira à déterminer la valeur de et qui n’est autre chose, comme l’on voit, que l’équation prime de l’équation primitive, prise relativement à d’où il s’ensuit que, si l’on substitue cette valeur de dans l’équation primitive on aura une équation en et qui satisfera également à l’équation du premier ordre et qui ne sera pas renfermée dans l’équation primitive, où est la constante arbitraire.

On pourra appliquer la même théorie aux équations des ordres supérieurs et en déduire des conclusions semblables.

61. Pour voir maintenant si l’équation qui résulte de cette considération est la même que l’équation primitive singulière, déduite de l’analyse précédente, supposons, comme plus haut (no 58), que l’équation du premier ordre soit réduite à la forme et que son équation primitive complète soit étant la constante arbitraire. Pour en déduire l’équation primitive où est variable, on prendra l’équation prime relativement à seul, et, si l’on désigne par la fonction prime de prise relativement à on aura d’où l’on tirera qu’on substituera dans et l’on aura une valeur particulière de qui satisfera aussi à la proposée du premier ordre. Nous appellerons cette valeur particulière, comme dans le numéro cité.

Maintenant, puisque la valeur compléte de doit satisfaire à l’équation quelle que soit la constante il s’ensuit que, en faisant la substitution, l’équation résultante

devra avoir lieu quelle que soit la valeur de Par conséquent, son équation prime, prise relativement à regardée comme seule variable, devra avoir lieu aussi quelle que soit la valeur de (no 17).

Puisque est la fonction prime de prise relativement à la fonction prime de celle-ci prise relativement à sera donc la fonction seconde de prise d’abord relativement à et ensuite relativement à laquelle est la même chose, comme nous le démontrerons plus bas, que la fonction seconde de prise d’abord relativement à et ensuite relativement à Ainsi, ayant désigné par la fonction prime de par rapport à on aura pour la fonction prime de prise également par rapport à les traits appliqués aux caractéristiques et ne se rapportant qu’à la variable

À l’égard de la fonction comme elle résulte de la substitution de à la place de dans sa fonction prime relativement à sera exprimée par (no 16), puisque nous avons désigné par la fonction prime de relativement à et par la fonction prime de ou relativement à

Donc l’équation prime de l’équation

prise relativement à sera

d’où l’on tire

Or nous venons de trouver que, pour avoir la valeur particulière il faut substituer dans la valeur de tirée de l’équation Dénotons par cette valeur de qui sera une fonction de la fonction aura cette forme

étant et étant une fonction de qui ne deviendra ni nulle ni infinie lorsque on tirera de là

Donc on aura

Mais devient lorsque donc deviendra infini lorsque comme dans le cas du no  59. Ainsi les deux méthodes des nos 58 et 60 conduisent aux mêmes résultats et donnent les mêmes valeurs singulières ; mais la seconde a l’avantage d’être plus directe et de donner la vraie métaphysique de cette espèce de paradoxe.

62. Supposons, pour donner un exemple, que l’équation primitive soit

en prenant les fonctions primes, on aura l’équation prime

éliminant par le moyen de l’équation primitive, on aura l’équation du premier ordre

dont celle-là sera l’équation primitive complète, étant la constante arbitraire.

Maintenant, si l’on prend la fonction prime de la même équation

relativement à la quantité regardée comme une fonction de on aura

ce qui donne

et, substituant cette valeur dans la même équation primitive, on aura

Cette équation satisfera par conséquent aussi à la même équation du premier ordre, ce qui est aisé à vérifier, car elle donne

valeurs qui, étant substituées dans la quantité

la rendent identiquement nulle. Ce sera donc l’équation primitive singulière.

En effet, suivant la théorie du no 61, on aura, dans le cas présent,

donc, en prenant les fonctions primes relativement à seul, on trouvera

quantité qui devient infinie, comme l’on voit, par la supposition de

63. Supposons maintenant que l’on ait l’équation du premier ordre et que la fonction de soit telle qu’elle devienne nulle lorsque est égal à une constante donnée il est visible que cette valeur de satisfera à l’équation, car donne aussi On demande si cette valeur de est une valeur particulière comprise dans la valeur complète ou bien si ce n’est qu’une valeur singulière. On prendra la fonction prime de et, si devient infini lorsque la valeur ne sera qu’une valeur singulière ; sinon, elle sera une valeur particulière.

Soit

étant et une constante ; on aura

quantité qui devient infinie lorsque donc la valeur sera une valeur singulière si et et une simple valeur particulière si ou En effet, l’équation

étant divisée par et mise sous la forme

a pour équation primitive

étant la constante arbitraire, d’où l’on tire

Donc, pour que l’on ait il faudra que la quantité devienne nulle. Or, si et l’exposant sera positif ; par conséquent, il sera impossible de donner à une valeur qui fasse évanouir la quantité dont il s’agit. Mais si alors, l’exposant devenant négatif, la quantité deviendra nulle lorsque sera infini ; car, faisant cette quantité deviendra

laquelle devient zéro lorsque

La même chose a lieu lorsque alors l’équation primitive contient des logarithmes ou des exponentielles, car on a

et, divisant par

dont l’équation primitive est

d’où l’on tire

étant le nombre dont le logarithme hyperbolique est l’unité et la constante arbitraire. Ici il est évident qu’en faisant égal à zéro on aura

Supposons encore

étant une fonction de qui devienne nulle lorsque on aura

donc, puisque devient nul lorsque si ne devient pas nul en même temps, deviendra alors infini et la valeur ne sera qu’une valeur singulière. Donc, pour que cette valeur soit une simple valeur particulière, il faudra que devienne nul en même temps que en faisant

Cette théorie des équations primitives singulières est présentée d’une manière plus générale et avec de nouveaux détails dans les Leçons XIV, XV, XVI et XVII sur le Calcul des fonctions[1], auxquelles nous renvoyons les lecteurs qui désireraient approfondir davantage ce point d’Analyse.


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  1. Œuvres de Lagrange, t. X.