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Traité sur les apparitions des esprits/II/22

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CHAPITRE XXII.

Excommuniés qui ſortent des Egliſes.

SAint Grégoire le Grand raconte[1] que S. Benoît ayant menacé d’excommunier deux Religieuſes, ces Religieuſes moururent en cet état. Quelques tems après, leur nourrice les voyoit ſortir de l’Egliſe dès que le Diacre avoit crié : que ceux qui ne communient pas ſe retirent. La nourrice ayant fait ſavoir la choſe à S. Benoît, ce Saint envoya une oblation, ou un pain, afin qu’on l’offrît pour elles en ſigne de réconciliation ; & depuis ce tems-là les deux Religieuſes demeurerent en repos dans leurs ſépulcres.

Saint Auguſtin dit[2] que l’on récitoit dans les dyptiques les noms des Martyrs, non pour prier pour eux, & les noms des Vierges Religieuſes décédées pour prier pour elles. Perhibet prœclariſſimum teſt monium EccLeſiaſtica auctoritas, in quâ fidelibus notum eſt, quo loco Martyres, & quo defunctœ Sanctimoniales ad Altaris Sacramenta recitantur. C’étoit donc peut-être lorſqu’on les nommoit à l’Autel, qu’elles ſortoient de l’Egliſe. Mais S. Grégoire dit expreſſément, que ce fut lorſque le Diacre Cria à haute voix : que ceux qui ne communient pas ſe retirent.

Le même S. Grégoire raconte, qu’un jeune Religieux du même S. Benoît[3] étant ſorti du Monaſtere ſans aucune permiſſion, & ſans recevoir la bénédiction du ſaint Abbé, mourut dans ſa déſobéiſſance, & fut enterré en terre ſainte. Le lendemain on trouva ſon corps hors du tombeau. Les parens en avertirent S. Benoit, qui leur donna une hoſtie conſacrée, & leur dit de la mettre avec le reſpect convenable ſur la poitrine du jeune Religieux. On l’y mit, & la terre ne le rejetta plus de ſon ſein.

Cet uſage, ou plûtôt cet abus de mettre la Sainte Euchariſtie dans le tombeau avec les morts, eſt fort ſingulier ; mais il n’eſt pas inconnu dans l’Antiquité. L’Auteur de la vie de S. Baſile[4] le Grand donnée ſous le nom de S. Amphiloque, dit que ce Saint réſerva la troiſieme partie d’une Hoſtie conſacrée, pour être enterrée avec lui. Il la reçut, & expira l’ayant encore dans la bouche ; mais quelques Conciles avoient déja condamné cette pratique, & d’autres l’ont encore proſcrite depuis, comme contraire à l’inſtitution de Jeſus-Chriſt[5].

On n’a pas laiſſé en quelques endroits de mettre des Hoſties dans les tombeaux de quelques perſonnes recommandables par leur ſainteté, comme dans le tombeau de ſaint Othmare Abbé de ſaint Gal[6], où l’on trouva ſous ſa tête pluſieurs petits pains ronds, que l’on ne douta pas qui ne fuſſent des Hoſties.

Dans la vie de ſaint Cutbert Evêque de Lindisfarne[7], on lit qu’on trouva ſur ſa poitrine quantité d’Hoſties. Amalaire cite du Vénérable Bede, que l’on mit une Hoſtie ſur la poitrine de ce Saint avant que de l’inhumer : oblatâ ſuper Sanctum pectus poſitâ[8]. Cette particularité ne ſe lit point dans l’Hiſtoire de Bede, mais dans la ſeconde vie de ſaint Cutbert. Amalaire remarque que cet uſage vient ſans doute de l’Egliſe Romaine, qui l’avoit communiqué aux Anglois ; & le R. P. Ménard[9] ſoûtient que ce n’eſt pas cette pratique, que les Conciles dont nous avons parlé condamnent, mais celle de donner la Communion aux morts, en leur inſinuant l’Hoſtie dans la bouche. Quoi qu’il en ſoit de cette pratique, nous ſavons que le Cardinal Humbert[10] dans ſa réponſe aux objections du Patriarche Michel Cérularius, reproche aux Grecs d’enterrer la Sainte Euchariſtie, lorſqu’il en reſtoit quelque choſe après la Communion des Fideles.

  1. Greg. magn. lib. 2. Dialog. c. 23.
  2. Aug de St. Virgin, c. xlv. pag. 364.
  3. Greg. lib. 2. Dialog. c. 24.
  4. Amphilo. in vit. S. Baſilii.
  5. Vide Balſamon. ad Canon. 83. Concil. in Trullo, & Concil. Carthagin. iij. c. 6. Hipon. c. 5. Antiſſiod, c. 12.
  6. Vit S. Othmari. c. 3.
  7. Vit. S. Cutberti, lib. 4. c. 2. Apud Bolland. 26. Martii.
  8. Amalar. de Offic. Eccl. lib. 4. c. 41.
  9. Menard, not. in Sacrament. S. Greg. magn. pag. 484. 485.
  10. Humbert. Card. Bibliot. P. P. lib. 18. & Tom. iv. Concil.