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Traité sur les apparitions des esprits/II/23

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CHAPITRE XXIII.

Autres Exemples des Excommuniés rejettés
hors de la terre ſainte.

ON voit encore dans l’Hiſtoire pluſieurs autres exemples de corps morts des Excommuniés rejettés hors de la terre ſainte ; par exemple, dans la vie de ſaint Gothard Evêque d’Hildesheim[1], il eſt rapporté que ce Saint ayant excommunié certaines perſonnes pour leur rebellion & leurs péchés, elles ne laiſſerent pas malgré ſes Excommunications d’entrer dans l’Egliſe, & d’y demeurer contre la défenſe du Saint, pendant que les morts mêmes, qui y étoient enterrés depuis pluſieurs années, & qui y avoient été mis ſans qu’on ſût leur Excommunication, lui obéiſſoient, ſe levoient de leurs tombeaux, & ſortoient de l’Egliſe. Après la Meſſe, le Saint s’adreſſant à ces rébelles, leur reprocha leur endurciſſement, & leur dit, que ces morts s’éleveroient contre eux au jugement de Dieu. En même tems ſortant de l’Egliſe, il donna l’abſolution à ces morts excommuniés, & leur permit d’y rentrer, & de ſe repoſer dans leurs tombeaux comme auparavant. La vie de ſaint Gothard a été écrite par un de ſes Diſciples, Chanoine de ſa Cathédrale ; & ce Saint eſt mort le 4 Mai 938.

Dans le ſecond Concile tenu à Limoges[2] en 1031. où ſe trouverent grand nombre d’Evêques, d’Abbés, de Prêtres & de Diacres, on rapporta les exemples que nous venons de citer de S. Benoît, pour montrer le reſpect que l’on doit avoir pour les ſentences d’Excommunication prononcées par les Supérieurs Eccléſiaſtiques. Alors l’Evêque de Cahors qui étoit préſent, raconta une choſe qui lui étoit arrivée peu de tems auparavant. Un Chevalier de mon Diocèſe ayant été tué dans l’Excommunication, je ne voulus pas acquieſcer aux prieres de ſes amis, qui me ſollicitoient vivement de lui donner l’abſolution ; je voulois en faire un exemple, afin que les autres fuſſent touchés de crainte. Mais il fut enterré par des Soldats, ou des Gentils-hommes (milites) ſans ma permiſſion, hors la préſence des Prêtres, dans une Egliſe dédiée à ſaint Pierre. Le lendemain matin on trouva ſon corps hors de terre, & jetté nud loin de-là, ſon tombeau demeurant entier, & ſans aucune marque qu’on y eût touché. Les Soldats ou les Gentils-hommes (milites) qui l’avoient enterré, ayant ouvert la foſſe, n’y trouverent que les linges dont il avoit été enveloppé ; ils l’enterrerent donc de nouveau, & couvrirent la foſſe d’une énorme quantité de terre & de pierres. Le lendemain ils trouverent de nouveau le corps hors du tombeau, ſans qu’il parût qu’on y eût travaillé. La même choſe arriva juſqu’à cinq fois : à la fin ils l’enterrerent comme ils purent, loin du cimetiere, dans une terre profane ; ce qui remplit les Seigneurs voiſins d’une ſi grande terreur, qu’ils me vinrent tous demander la paix. Voilà un fait revêtu de toutes les circonſtances qui le peuvent rendre inconteſtable.


  1. Vit. S. Gothârdi, ſæcul. 6. Bened. parte. I. pag. 434.
  2. Tom. ix. Concil. An. 1031. pag. 702.