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Page:Adam - Irène et les eunuques, 1907.djvu/101

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IRÈNE ET LES EUNUQUES

faire renoncer à ton corps, en effet, sans que tu sois, pour cela, contraint de renoncer à ton âme immortelle.

Appuyé de l’échine au mur, le sourd-muet se redressa, voyant qu’on le désignait, et il devint plus attentif encore.

Irène se demandait si elle ne ferait pas du moins rejeter l’eunuque dans la basse-fosse des Nouméra d’où l’avait tiré le Copronyme, jadis. Mais Eutychès, Pharès, Staurakios redouteraient pour eux le même sort dans la suite, et ils seraient capables de conspirer, en proclamant le petit Constantin. Alors elle resta dans l’angoisse. Réussirait-elle à secouer le nouveau joug que Jean essayait certainement de substituer à celui du défunt ?

— Qu’il te soit pénible de satisfaire aux devoirs de la gratitude en supposant, une heure, que toi seule n’as pas construit ta fortune, mais aussi mes disciples, moi-même ; je le concède, Irène. Il ne faut pas moins t’y résigner. Les stratèges se rappellent que notre École de philosophie a, par son influence, amené la paix sarrasine, et fait déférer au prince le serment des corporations et des cohortes. Ils toléreront d’être gouvernés par une femme parce qu’ils nous savent auprès de toi, nous qui dirigeons indirectement l’État depuis six ans, malgré les conspirations de tes beaux-frères, les Nobilissimes. Maintenant crains le César Nicéphore. C’est un homme courageux et rusé. Les iconoclastes l’aiment. Plusieurs officiers, et non des moins glorieux, envoient leurs émissaires dans son exil