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Page:Adam - Irène et les eunuques, 1907.djvu/185

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IRÈNE ET LES EUNUQUES

— Pour en faire don à ton Alexis, à Damianos, et ils distribueront la monnaie à la populace qui mendie sous les arcades de l’Hippodrome, afin qu’elle insulte les ministres au passage, afin qu’elle excite à l’émeute les soldats iconoclastes, afin qu’Alexis, illustre par ses vols, triomphe contre ma force, sous ton nom.

Elle le toisait, lui saisissait le bras, grondait :

— Voilà pourquoi tu veux soixante talents !…

Dédaigneux et perfide, il sourit :

— Tu as peur, maîtresse des Romains ?…

— Pour toi… Tu vis avec le crime… Tu écoutes rire le crime…

Il feignit l’innocence :

— Tu redoutes un crime de moi ?…

Elle le regarda, prophétique :

— Je pense que tu succomberas sous des mains criminelles…

— Celles de tes eunuques…

Elle parla lentement :

— Celles de tes convives. Je vois le cachot des Nouméra où te garderont des cavaliers barbares qui n’entendront pas tes plaintes… Je vois venir, à pas sourds, les nègres portant le réchaud et les fers rougis… Je vois ta pauvre figure où ruisselle un sang noir… Je vois le traître, chausser, dans la Sainte-Sagesse, les souliers de pourpre aux acclamations des légionnaires révoltés. Et parmi les sons victorieux des simandres j’écoute ton agonie geindre dans la mare hideuse. Oh ! cela me donne une angoisse sans nom,