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Page:Adam - Irène et les eunuques, 1907.djvu/186

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IRÈNE ET LES EUNUQUES

une douleur qui étrangle, une peine qui racornit les paupières sur mes yeux douloureux,… une peur qui vide ma chair de toute chaleur, parce que tu es la chair de ma chair ; parce qu’en moi ruisselle déjà le sang de tes pauvres yeux crevés, de ton cher col entamé. Cela m’étouffe… cela me… me…

Elle s’arrêtait, haletante, les regards vers la terre. Constantin doutait :

— À connaître l’insolence de tes ministres, Despoïna… je n’imaginais pas cette affection…

L’impératrice se mit à marcher à grands pas. Elle revint, prit son fils au cou, le secoua, maternelle et vigoureuse dans le couloir de marbre rouge déserté par la discrétion des courtisans.

— Tu n’imaginais pas… tu n’imaginais pas ! mais dis, dis ce qui put t’induire à penser que je fusse dépourvue d’amour envers toi ! Dis !… Tout enfant, je te montrais au bout de mes bras, lorsque le char impérial m’emmenait à La Sainte-Sagesse, par les rues pleines de cris de fête ! J’entourai ton jeune âge de savants illustres. Je voulus que leur science nourrît ta mémoire. Ah ! oui ! oui !… j’espérais alors de toi autre chose, autre chose que ta noblesse, j’espérais ton intelligence…

Elle s’interrompit, dans un rire d’indignation. Mais le jeune homme, les lèvres gaies, pirouetta :

— Je suis l’Elle-même Ignorance et l’Elle-même Sottise ; je ne le méconnais pas. Tes eunuques me le font assez comprendre. Et ton rhéteur Jean donc ! Je sais :