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Page:Adam - Irène et les eunuques, 1907.djvu/234

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IRÈNE ET LES EUNUQUES

actifs des bourreaux, aux yeux de quelques spectateurs indifférents, tout abrutis encore par la catastrophe naturelle, et blottis, stupides, le long des gradins à demi vides. Ensuite un navire conduisit les rebelles en Sicile dans un lieu triste et décrié.

Irène supporta mal l’idée de la conjuration. Elle s’était crue, pour toujours, assurée de l’inertie de Constantin. L’événement démentait cette confiance. Du moins, on usait de l’empereur pour anéantir le pouvoir de la régente. Dès qu’elle connut les détails de l’aventure, elle n’épargna plus son fils. Il l’avait honnie, répudiée, offerte en dérision à ses parasites, vouée au bannissement. Et non pas une heure, pendant le délire d’une ivresse ou d’un dépit, mais durant de longues semaines, avec opiniâtreté. D’abord elle ne put lui pardonner cette série d’offenses et de haines. L’ambition étouffa le sens de la maternité. Constantin ne lui fut que le rival pernicieux capable de la priver du commandement, de livrer l’empire à l’imprudence des soldats. Irène s’oublia jusqu’à vouloir qu’on enfermât son fils dans une salle du Palais Sacré, jusqu’à l’aller injurier là de la pire façon ; et, comme il n’était pas en peine de cracher aussi des invectives, elle le fit, sous ses yeux, fustiger par Pharès et les cubiculaires qui, entre chaque coup, se prosternaient, implorant le pardon de leur hardiesse docile à la veuve de Léon le Khazar. Elle laissa Constantin en larmes, fou de rage et qui se mordait les poings, et qui cachait, dans les coussins de son lit, un visage enflé par les ecchymoses.