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Page:Adam - Irène et les eunuques, 1907.djvu/442

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IRÈNE ET LES EUNUQUES

cédaient crurent habile de faire une ovation à la souveraine. Immense une huée leur répondit, car la promptitude de leur arrogance, l’avidité de Léon, frère de l’eunuque, la cruauté de leurs vengeances, l’iniquité de leur affection pour des personnages brillants et lettrés, mais criminels, les avaient rendus complètement impopulaires.

— Despoïna, qu’as-tu fait de ta main vigoureuse, celle consacrée par les évêques à Nicée ?… cria sur une borne un moine décharné, sordide… Pourquoi livres-tu Byzance aux bourreaux de ton fils ?

— Périssent les eunuques !… souhaita le peuple d’une voix tonnante.

Sous le faix de ses ornements, Irène pensa défaillir. Par un ciel gris de février, le vent dur jetait la poussière aux visages, inclinait les arbres nus des jardins, chavirait le vol des colombes, étirait les oriflammes à la pointe des mâts rouges, attristait encore l’aspect de la ville, de ses façades noircies par les siècles, de ses pinacles dédorés. La multitude se massait, redoutable, hâve, polychrome et muette, dans l’attente d’une catastrophe. C’était jusqu’au loin, sur la place, et dans les rues déclives, un champ de têtes humaines dardant sur Irène des regards inquiets ou méchants. Un silence horrible, un silence de cauchemar pesait sur ce grouillement d’âmes hostiles. Irène ne put davantage supporter l’assaut de cette pensée aux mille visages accusateurs. Les partisans d’Aétios avaient compris le ridicule de leur enthousiasme infime et isolé devant