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Page:Adam - Irène et les eunuques, 1907.djvu/462

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IRÈNE ET LES EUNUQUES

au parti le plus riche, et qui vivaient de cela. La compétition d’Aétios, de Léon contre Irène leur promettait trop de facilités pour tendre alternativement la main vers elle et vers eux. Donc ils allèrent par les rues excitant, avec des prêches et des cris, l’indignation publique. Nicéphore appréhenda qu’ils ne convainquissent la populace. Il les fit stipendier en sous-main par ses amis Nicétas et Sisinnios, au nom d’Irène. Mais cette clique n’aimait pas l’impératrice. Vétérans et moines stupides raillaient l’intelligence de la souveraine, la niaient, la traitaient de vieille empoisonneuse, rappelaient les morts singulières des deux Isauriens, du patriarche Paul, de Staurakios. Et comme ils tenaient à voir les largesses se prolonger, ils publiaient à tue-tête, la munificence, la sagesse et l’esprit de Nicéphore le Logothète.

L’astucieux financier laissa faire. Indifférent, sceptique en apparence, il n’empêcha point que son nom fût répété avec honneur. À Bythométrès il disait que cette tactique était utile pour atténuer le prestige très inquiétant d’Aétios. Bonhomme, voûté, les mains lourdes et la panse évidente, Nicéphore simulait une humble malice dédaigneuse des apparats. Il affectait lui-même l’économie. Son extérieur était sans faste. Presque chaque soir on le vit traverser au pas d’une vieille mule, les places, pour aller dîner chez quelque marchand arménien, chez tel ou tel orfèvre, chez un de ces foulons dont l’opulente et tumultueuse corporation l’adorait. Ces artisans remplissaient à la fois la tâche