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Page:Adam - Irène et les eunuques, 1907.djvu/463

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IRÈNE ET LES EUNUQUES

des blanchisseurs, des teinturiers, des stoppeurs et des tailleurs. Dans une cité d’élégances ils accédaient partout. Ils colportaient l’opinion chez les familles. Ils jouaient le rôle de confidents auprès des belles et de leurs assidus. Ils employaient nombre d’ouvriers, de serviteurs ; ils achetaient à mille marchands les matières des teintures, et à cent armateurs les cargaisons de tissus précieux. Leur influence rayonnait en tous sens. Dans les rues où s’aggloméraient leurs boutiques, leurs ateliers, leurs séchoirs, ils s’imposaient maîtres et seigneurs. Ils entretenaient tout un clergé pour leur saint patron. Nicéphore les émerveilla par son entente des habiletés commerciales.

Irène crut pouvoir compter sur eux et sur lui. Elle négligea tout à fait les bandes éloquentes et impudentes d’Aétios qui, d’ailleurs, lassaient un peu la foule. Les eunuques avaient affronté tant de séditions qu’ils s’accoutumaient à n’y prendre garde. Bythométrès et Pharès, maîtres dans Daphné, traitèrent magnifiquement l’évêque d’Amiens et le comte Helgaud. On se mit à discuter les détails de l’alliance, en négligeant Aétios, ses rhéteurs et ses musiciens qui faisaient retentir les échos du Palais.

Pendant plusieurs jours Daphné et Chalcé furent en fête, tout odorantes du fumet des festins, toutes sonnantes de chœurs pieux et profanes, tout embellies par les processions de clergés somptueux suivant les reliquaires et les chasses, haussant les bannières aux reliefs de broderies et de joyaux mons-