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Page:Adam - Irène et les eunuques, 1907.djvu/486

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IRÈNE ET LES EUNUQUES

Il partit sans avoir prononcé un mot. Elle attendit en vain son retour.

Elle attendit jusqu’à l’heure où le patrice Grégorios la vint chercher à la tête de l’escorte ordinaire. Nicéphore consentait à la faire paraître sur le parvis de la Grande Église devant le clergé, devant les troupes. Elle crut un moment à ses espoirs de partager tout. Quand ils avancèrent ensemble, la double acclamation les salua, sincère et unanime, vociférée par les bouches militaires, ecclésiastiques et laïques de mille et mille têtes casquées de fer, mitrées d’or, voilées d’étoffes multicolores, coiffées de calottes diverses. Visages bruns ou hâves, enthousiastes ou extatiques, enivrés par la vue des étendards, des bannières et des oriflammes, par le son des fanfares, le retentissement des simandres, les bruits rythmiques des gestes en armes, les essors des pigeons et des corneilles autour des pinacles lumineux ; cela depuis le fronton de l’Hippodrome jusqu’aux mosaïques de Sainte-Sophie baignant dans le peuple noir des moines qui fourmillait, qui grouillait au pied des colonnes et des statues équestres.

À côté d’Irène, l’empereur nouveau marchait, corpulent et soucieux. L’ironie d’un sourire crispait sa bouche dédaigneuse, les paupières de ses yeux étonnés. La couronne d’escarboucles et de perles n’était qu’une toque ronde sur la tignasse grise. Il louchait sans cesse vers l’agrafe de joyaux qui retenait à son épaule droite le manteau d’ample pourpre à longs plis cylindriques. Son