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IRÈNE ET LES EUNUQUES

Vois : au premier voyage que j’entreprends pour connaître l’état des ports, les besoins des îles, je me transporte près de toi et des tiens, comme un ami fidèle.

— Je te congédierai donc en amie. Tes rameurs doivent monter vers l’horizon avec le vent. Que le Théos couvre Byzance de gloire, et ton règne de félicité… Va…

Elle lui parut si noble qu’il n’osa poursuivre l’injurieuse plaisanterie. S’étant incliné, il s’éloigna. Les eunuques avaient feint de l’ignorer en filant. La folle avait continué de fredonner. Quand Nicéphore fut loin, ils n’interrompirent pas leur tâche, par crainte d’un espion capable de raconter une grandeur moindre que n’était leur application à l’humble besogne.

Dans le bruit monotone des rouets Marie, la première, se leva et vint appuyer sa tête sur l’épaule d’Irène lente à recommencer le travail.

— Despoïna… Despoïna… Cesse de rêver ; sinon tu n’auras point accompli la tâche, et le maître des ateliers refusera le paiement du fil parce que la quantité ne se trouvera pas entière… Je prie le Théos afin qu’il allège ta peine.

Irène se remit à l’ouvrage :

— Tourne donc, rouet… file, quenouille…

Les rouets tournèrent sans que des paroles se mêlassent à leur ronflement.

Jean tira le fil et l’aplatit sur son pouce mouillé :

— Le soir vient… le ciel verdit dans la pourpre du couchant. La tâche n’est pas achevée.