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Page:Adam - Irène et les eunuques, 1907.djvu/500

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IRÈNE ET LES EUNUQUES

que nous n’avons pas pris, et l’étreinte que nous n’avons pas eue… Ce regret c’est le seul instant de joie !…

Frénétique, elle tourna le rouet en sanglotant.

— Irène ! Irène ! Nos vies se sont trompées !… pleura Jean qui ne reniait plus la beauté de leurs espoirs… Irène !… Mais le but de notre erreur valait mieux que nos vies !…

Aétios exalta le rêve perdu, avec le même amour :

— Pense, Despoïna, pense à l’empire que nous apprêtions…

— Un empire, qui n’eût connu pour limites que l’anneau du vieil Océan, marmonna Pharès.

— Un empire,… dit Jean,… qui eût réuni le cerveau de Byzance au corps robuste des Francs.

Et Marie joignait ses mains dévotes :

— Qui des deux églises eût fait une seule foi harmonieuse chantant chaque matin, chaque midi, chaque soir, l’âme unique des hommes dans les basiliques épanouies sur le monde d’Orient et sur le monde d’Occident.

Jean supputait encore les conséquences impossibles :

— Tes savants eussent gagné la connaissance des astres.

Pharès émerveillé, Aétios, fidèle à son espoir périmé, Marie en extase, tous s’enivrèrent avec le prestige de l’illusion :

— Le bruit de la guerre n’eût plus jamais retenti dans les siècles.

— Les fruits de la terre travaillée par tous les bras eussent rassasié toutes les bouches…