Aller au contenu

Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/102

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
94
LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Les bestiaux enfoncent dans ces herbages gras, semés de fleurs, et sur ce sol mou, imbibé de ruisselets dès la fonte des neiges, et où ne pousse aucun arbre, le sous-sol n’étant qu’un amas de détritus stériles.

Il y a aussi de ces pâturages largement ondulés, jetés en pentes douces jusqu’au sommet des grandes montagnes ; d’autres enfin remplissent le creux d’un bassin, enfermés dans un cercle de cimes nues.

Le buronnier fit visiter au petit Parisien les diverses parties de son établissement. L’étroit potager, entouré de palissades, situé à droite du buron, et où le jeune garçon fut invité à cueillir de belles framboises. Puis à gauche du buron le « védélat » qui est la hutte où l’on enferme les veaux ; le védélat était flanqué de la loge aux porcs, à qui le buronnier distribua leur nourriture quotidienne. Enfin l’heure vint de mener toute la « vacherie » se désaltérer à un réservoir de belle eau situé au bas d’une pente. Ce fut pour Jean le moment le plus attrayant de la journée. Il apprit vite le nom de toutes ces belles « laitières », et il eut bientôt ses préférées.

C’est ainsi que se passa cette seconde journée. Le soir, pour tenir compagnie à son petit Parisien et lui faire trouver la paille de son coffre moins étrange pour une couche, Pierre Villamus lui apprit comment il avait quitté la capitale ; c’était sans idée d’y retourner jamais. Non pas qu’il eût fait fortune, oh ! non ; mais il savait se contenter… Il n’était pas comme tant d’autres !… Maintenant il trouvait de l’occupation dans l’une des principales industries du Cantal ; le moment viendrait sans trop tarder où il sortirait de sa bougette quelques écus luisants au soleil et ne devant rien à personne. Le brave homme parlait depuis longtemps que Jean, assoupi, ne l’entendait plus. Lorsque le discours du buronnier s’arrêta, Jean ouvrit les yeux, brusquement réveillé. Il ne s’endormit pas sans s’être dit avec confiance : Demain je partirai pour Salers et Aurillac ; demain je reverrai mon excellent Bordelais. Quelle joie pour lui et pour moi !

Le lendemain, à peine sur pied, la première parole de Jean fut une question au buronnier pour s’informer du boutilier.

— Je vois quelqu’un là-bas, sur le revers du plateau, ce doit être lui, répondit Pierre Villamus. Pourtant, ce n’est pas de ce côté qu’il devrait venir…

— Sera-t-il bien fatigué ? Pourra-t-il au moins se remettre en route aujourd’hui ? demanda Jean.

— Il le faudra bien… puisque tu l’exiges, mon garçon !