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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/230

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

En un moment toute la compagnie eut descendu l’escalier tournant, et se trouva au pied de la Tour des Baleines.

— Eh bien ? Et le youyou ! s’écria le pilote. — C’est ainsi qu’il désignait le petit canot. — Pas plus de youyou que dans mon écubier ! Et ce Barbillon ? ce moussaillon d’eau douce ? qu’est-il devenu ?

Jean descendit rapidement de roc en roc, jusqu’au bord de la mer. Le père Vent-Debout le suivit tout en maugréant, et le rejoignit assez vite au tournant d’une haute roche.

— Le voilà, là-bas, dit Jean, en montrant le léger canot dans l’écume que faisaient les vagues en courant sur les rochers à fleur d’eau.

— Le failli chien ! s’écria le pilote. Il va noyer le youyou !

— Comment cela, père Vent-Debout ?

— Ne vois-tu pas, mon garçon, qu’il s’est laissé aller sur les platins ? sur les brisants ? ce gibier de grande vergue !… Il ne s’en tirera pas !

Le mousse aperçut le pilote gesticulant d’un air courroucé. Il réunit ses forces pour donner quelques vigoureux coups d’aviron, capables de l’éloigner des récifs ; mais il était épuisé déjà, et il ne réussit pas dans sa tentative.

— Le youyou va se briser, dit le vieux marin, et mon scélérat de Barbillon qui ne sait pas plus nager qu’un galet des grèves n’a plus qu’à poser sa chique.

— Que faut-il faire ? demanda Jean.

— Il faut courir après Mahurec, qui devrait être là, avec nous. Mais j’ai bien vu qu’on lui faisait de l’œil à la Baleine pour lui offrir un doigt de sec. — Là ! il va sur les roches, il y est…! Là c’est fini ! Tout est perdu. Et ce Parisien de malheur avec ! Digue daou ! aïe !… aïe !… V’lan !… Non, il en réchappe ; mais pas pour longtemps.

Barbillon, pris de peur, venait d’abandonner les avirons et, debout, il appelait au secours d’une voix lamentable.

— Courage, Barbillon ! lui cria Jean. Attends un peu, et « souque » ferme !

Le mousse se remit à l’aviron, mais il n’en prit qu’un à deux mains, seule manière d’utiliser le peu de forces qui lui revenaient depuis les encouragements de Jean, compris par lui au geste qui les accompagnait. Mais, de la sorte, le canot tournait sur lui-même. Le mousse, éperdu, donnait quelques coups d’aviron d’un bord, et passait l’aviron à l’autre bord pour recommencer la même manœuvre.

— Ils ont un bateau ceux de la Baleine, observa le pilote ; mais il est jus-