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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

ment à l’issue de sa vallée formée de collines ; on reconnaît, épars au milieu des campagnes, plusieurs anciens îlots formés par alluvion, et portant des traces d’érosion marine à un niveau plus élevé que le niveau de la mer. Près de Saint-Michel en l’Herm, à six kilomètres du rivage, au fond de l’anse de l’Aiguillon, des bancs d’huîtres complètement émergés se trouvent maintenant à dix mètres au-dessus de l’Océan. Ce n’est pas un exemple isolé : au sud des Sables-d’Olonne se trouvent l’ancien port de Talmont où, du temps de Henri IV, de l’artillerie fut expédiée par eau, et la vieille ville épiscopale de Maillezais, près de Fontenay-le-Comte, figurant sous le nom d’île dans les chartes du douzième siècle.

Lors du premier voyage le long de la côte vendéenne, il était arrivé à sir William quelque chose d’assez particulier. Aux Sables, la fantaisie lui prit de s’en aller tout seul par la voie ferrée jusqu’à Napoléon-Vendée : on le débarqua à la Roche-sur-Yon, et il ne voulut jamais comprendre que ce fût la même ville. Il crut qu’on se moquait de lui quand on lui dit que Napoléon Ier avait fait du village de la Roche un chef-lieu de préfecture qui de 1804 à 1814 s’est appelé Napoléon-Vendée, de 1814 à 1848, Bourbon-Vendée, pour reprendre son premier nom de Napoléon-Vendée jusqu’en 1870, et finalement son ancien nom de village.

Le baronnet, persuadé qu’il était victime d’une mystification, réunit des « documents authentiques », très résolu à intenter un procès au chemin de fer par l’office d’un « solicitor » dès qu’il serait de retour en Angleterre.

Nourri de lectures sur la guerre civile qui éclata dans la Vendée à la suite des décrets de 1793, initié aux luttes entre les Blancs et les Bleus, sir William s’était promis de voir au nord et à l’est du département la région des collines granitiques, les bois et les prairies artificielles qui forment le Bocage, avec ses petits enclos et les chemins creux bordés de haies de chênes, d’ormes et de châtaigniers ébranchés ; il était attiré aussi dans le sud-est par la Plaine ; mais après sa mésaventure il se résigna à n’avoir qu’une idée du Marais, terres alluviales qui bordent la côte au sud et font un pays humide et malsain. Sur ce sol plat on aperçoit de plusieurs lieues la haute flèche de la cathédrale de Luçon, ville mise en communication avec l’anse de l’Aiguillon par un canal navigable.

Au retour du Richard Wallace sir William ne fut pas tenté de mieux voir la Vendée qu’à son premier voyage.

À l’aube, le yacht reprit la mer et s’éloigna des Sables. Les dames dormaient encore, mais le baronnet était déjà sur le pont de l’élégant navire.