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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/236

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Jean, qui ne sommeillait que d’un œil, y avait grimpé aussi. Henry et Alfred, ne craignant pas de se dégourdir un peu, aidaient à la manœuvre, Henry Esmond secondant le pilote, Alfred Tavistock venant en aide au machiniste et chauffeur.

Sir William qui avait fait une rafle de journaux aux Sables-d’Olonne — ceux de la Vendée et tous ceux de Paris qu’on pouvait s’y procurer, s’était établi sur le pont à la porte du carré « des officiers », et les parcourait tous l’un après l’autre les rejetant autour de lui sans les replier ; sa tête seule émergeait d’un océan de papier au milieu duquel il semblait se débattre, si bien que Jean eut à plusieurs reprises une bonne envie de crier : Un homme à la mer !

Profitant de l’intérêt que portait le baronnet aux choses de la politique, le petit Parisien s’empara de la plus forte lorgnette et passa en revue le littoral : le havre de la Gachère, Saint-Gilles-sur-Vie d’où sortaient les gros bateaux qui mettent en communication ce bourg maritime avec l’île Dieu ou d’Yeu, située en face à six lieues environ ; l’île de Noirmoutier, à peine séparée de terre.

Dans le milieu de la journée, en dépassant les limites de la Vendée, il vit la baie de Bourgneuf, le village de Pornic où de gracieuses maisons de campagnes se pressent sur les rochers de la côte : les Nantais viennent y passer la saison des bains de mer ; enfin la pointe de Saint-Gildas. La ville de Bourgneuf, abandonnée par la mer, domine des rivages partout plats et vaseux, où les bords des marais se couvrent chaque année d’une riche moisson de fèves et de froment.

Le Richard Wallace doubla la pointe de Saint-Gildas pour pénétrer dans l’embouchure de la Loire et remonter le fleuve jusqu’à Nantes. À cet endroit du littoral breton la mer a pénétré profondément dans les terres, échancrant la côte d’une façon capricieuse. Ce ne sont que baies, rades, anses et criques offrant de nombreux refuges aux barques de pêcheurs.

Dans toutes les directions sur la mer, très bleue ce jour-là, et sur laquelle frémissait l’écume blanche de courtes lames, se groupaient et s’éparpillaient, toutes voiles ouvertes, des escadrilles de barques de pêche. C’était un spectacle fort animé. De grands navires voiliers, des bateaux à vapeur sortis de Saint-Nazaire faisaient penser à de lourds oiseaux des mers donnant la chasse à une nuée de goélands. À quelle pêche productive se livraient ces barques ? Sir William avait bien envie de le demander au pilote et le petit Parisien, à la langue mieux déliée, allait risquer une question, lorsque miss Kate et sa