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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/372

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Elle n’avait pas donné d’elle une haute idée, cette gendarmerie mise aux trousses du compère de Jacob ; et pas davantage dans sa recherche de la petite Emmeline, dont on ne put découvrir aucune trace.

Hans Meister en s’emparant de ces papiers qu’il importait à Jacob de posséder ou de détruire, devait avoir songé à exercer dans la maison de Jacob et de Grédel Risler une autorité absolue ; mais en passant par le Niderhoff les calculs de l’Allemand avaient dû être déconcertés par l’emprisonnement de la digne femme de son compère… Qu’était devenu ce fou dangereux ? Peut-être, à cette heure, la montre d’or de miss Kate faisait le plus bel ornement d’un cabanon, dans quelque Asile d’outre-Rhin, où Hans Meister occupait ses loisirs à essayer la solidité des barreaux de fer de sa fenêtre.

Cet Allemand de malheur ! Jean ne pouvait détourner sa pensée de lui. Éveillé, il le voyait partout à ses côtés ; il le voyait marcher dans son ombre ; la nuit Hans devenait la principale figure de ses cauchemars. Cependant, faut-il l’avouer ? Jean se réfugiait parfois dans la société de ce désagréable compagnon, pour échapper à une autre obsession d’un caractère tout différent, mais plus redoutable encore ; c’était l’image chérie et regrettée de la douce Emmeline, obstinément présente à la pensée du jeune garçon dès que Hans Meister ne l’occupait plus tyranniquement.

Les mois, les saisons s’écoulaient, et Jean comprenait enfin que sa peine insurmontable était faite de deux chagrins : de n’avoir pas réussi à restituer au nom de son père le modeste éclat dont il était digne, — et d’aimer Emmeline au point d’être jaloux de la tendresse de la mère affligée pour la pauvre enfant ravie…

De temps en temps la baronne du Vergier ou Maurice écrivaient à Jean. La baronne ne cessait d’exhaler sa douleur ; elle donnait cent formes à sa plainte toujours renouvelée ; s’étendait sur les grâces que devait avoir la petite en grandissant ; priait Jean de bien lui dire, de lui répéter l’impression qu’elle lui avait faite ; elle sollicitait de sa plume un portrait ressemblant comme une photographie.

Dans ses réponses, Jean se faisait violence pour dissimuler son humeur inquiète. Il pensait souvent qu’avec plus de retenue dans ses paroles, la mère prétendue de la petite danseuse ne se serait pas effrayée et enfuie avec la jeune fille. Et il s’en voulait. En s’y prenant mieux, se disait-il, il serait peut-être parvenu à éclaircir le mystère de la première existence de la pauvre petite. Avec davantage de prudence de sa part, la baronne aurait pu apparaître en temps opportun, se ressaisir de son enfant. Mais alors une pensée mauvaise venait